17 avr 13:07

[Arrêt CEDH] Enfermer un homme dans une cage pendant une audience en visioconférence constitue un traitement dégradant

Pour les étudiants en

L3

Ce qu'il faut retenir :

Enfermer un homme dans une cage pendant une audience tenue en visioconférence depuis la prison où il était détenu constitue un traitement dégradant.

Affaire Karachentsev c. Russie de la CEDH du 17 avril 2018 (n°23229/11) 

Faits :

Le requérant, Sergey Karachentsev, est un ressortissant russe né en 1972 résidant à Saint-Pétersbourg (Russie). En juin 2010, M. Karachentsev, soupçonné de vol en bande organisée, est arrêté et placé en détention provisoire. A maintes reprises,  la détention de M. Karachentsev a fait l'objet de contrôle par les juridictions nationales. À chacune de ces occasions, elles prolongèrent la durée de la détention ou confirmèrent les décisions attaquées. Les recours qu’il forma en avril et en juin 2011 contre sa détention furent examinés en visioconférence depuis la prison où il était détenu et il fut enfermé dans une cage de métal pendant la durée de l’audience.
M. Karachentsev fut finalement acquitté de tous les chefs d’accusation en janvier 2013.
Invoquant l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), le requérant se plaint de ses conditions de détention à la maison d’arrêt de Saint-Pétersbourg (en l'occurence, il fait référence à une surpopulation carcérale), où il a été placé du 5 juin 2010 au 29 juillet 2011, et de son confinement dans une cage de métal pendant les audiences en visioconférence relatives aux recours qu’il avait formés. Il invoquera également les articles 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté/droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou d’être libéré pendant la procédure) et 5 § 4 (droit à faire statuer sur la légalité de sa détention par un tribunal dans les plus brefs délais) concernant la procédure relative à sa détention (mais qui ne seront pas étudiés ici).

 

Solution de la Cour :

Dans son arrêt de chambre rendu le 17 avril 2018 dans l’affaire Karachentsev c. Russie (requête no 23229/11), la Cour européenne des droits de l’homme a retenu à l'unanimité la violation de l’article 3 (faisant référence à l'interdiction de la torture) de la Convention européenne des droits de l’homme [Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants] en raison du confinement du requérant dans une cage pendant des audiences tenues en visioconférence depuis la prison où il était détenu.

Le Gouvernement a plaidé dans ce dossier l'absence d’humiliation subie par le requérant et qu’en tout état de cause, le degré d’humiliation n’avait pas dépassé le seuil établi par la Cour, à savoir la souffrance et l’humiliation que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes.

La Cour a rejeté cette thèse et jugé qu’il est objectivement dégradant d’enfermer quelqu’un dans une cage, même si cette personne n’est pas physiquement présente au tribunal. Elle conclut donc que le traitement infligé au requérant a emporté violation de la Convention.

 

 

Pour aller plus loin : 

Cage, audience.... 2 termes qui suffisent à la #Teamjuriste pour élargir la réflexion.
Cela ne vous aura pas échappé, cette décision de la CEDH intervient à une époque où l'installation de box vitrés (partiellement ou entièrement) dans certains tribunaux sucite de nombreuses réactions...

Pour exemple, citons simplement le nouveau Palais de justice de Paris, dont la première audience s'est tenue lundi 16 avril.

Le vendredi 13 avril, le Conseil national des barreaux a transmis à la garde des Sceaux une lettre ouverte pour réclamer le retrait immédiat, partout en France, des cages et box vitrés dans les salles d'audience. La présidente du Conseil national des barreaux, Mme Christiane Féral-Schuhl, a demandé à ce que ces cages disparaissent, elles ne sont pas dignes d'un État démocratique comme la France. [...] On est censé être en présence d'un symbole de la justice du XXIe siècle et pourtant ils ramènent les droits de la défense à l'époque de l'Ancien régime".
Pour certains professionnels du droit, il faudrait y voir la symbolique d'une atteinte à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. Qu'en est-il de la liberté de parole donnée à la défense ? Qu'advient-il de l'art. 318 du CPP qui dispose que "l'accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader" ?

Voilà un sujet d'actualité qui pourrait faire l'objet de nombreux débats, aussi bien aux épreuves de droit des libertés fondamentales qu'au Grand oral du CRFPA... à bon entendeur !

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