Limitation du principe Ne bis in idem et protection des marchés financiers de l'Union européenne
Pour les étudiants en
Par trois arrêts, (CJUE, 20 mars 2018, n°C‑524/15, n°C‑537/16 et n°C‑596/16), la CJUE a répondu à trois questions préjudicielles posées par des juridictions italiennes concernant le principe Ne bis in idem.
Le principe ne bis in idem peut être limité dans l’objectif de protéger les intérêts financiers de l’Union et les marchés financiers de celle-ci. Toutefois, une telle limitation ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre ces objectifs. La réglementation italienne en matière de manipulations de marché pourrait être contraire au droit de l’Union.
Qu'est-ce que le principe "ne bis in idem" ou "non bis in idem" ?
Le principe ne bis in idem dispose que personne ne peut être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour la même infraction. Ce droit fondamental est reconnu tant par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la « Charte ») que par la convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
La Cour estime qu’un cumul entre des « poursuites/sanctions pénales » et des « poursuites/sanctions administratives de nature pénale » pourrait exister à la charge de la même personne pour les mêmes faits, ce qui constituerait une limitation de ce principe.
Elle poursuit et précise qu'une réglementation nationale autorisant un cumul de poursuite et de sanctions devra respecter quatre conditions :
● Viser un objectif d’intérêt général de nature à justifier un tel cumul de poursuites et de sanctions, ces poursuites et sanctions devant avoir des buts complémentaires ;
● Etablir des règles claires et précises permettant au justiciable de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles de faire l’objet d’un tel cumul de poursuites et de sanctions ;
● Assurer que les procédures sont coordonnées entre elles pour limiter au strict nécessaire la charge supplémentaire résultant, pour les personnes concernées, d’un cumul de procédures
● Assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées est limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l’infraction concernée.
Á ces conditions, le principe ne bis in idem peut être limité dans l’objectif de protéger les intérêts financiers de l’Union et les marchés financiers de celle-ci.
Dans l'affaire n°C-524/15, la question préjudicielle est la suivante :
L’article 50 [de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne], interprété au regard de l’article 4 du [protocole] no 7 [à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] et de la jurisprudence y afférente de la Cour européenne des droits de l’homme, s’oppose-t-il à des poursuites pénales ayant pour objet un fait (le non versement de la TVA) pour lequel le prévenu s’est déjà vu infliger une sanction administrative définitive ?
Dans l'affaire n°C-537/16, les questions préjudicielles sont les suivantes :
1) L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprété à la lumière de l’article 4 du protocole no 7 annexé à la CEDH, de la jurisprudence y afférente de la Cour européenne des droits de l’homme et de la règlementation nationale, s’oppose-t-il à la possibilité de mener une procédure administrative ayant pour objet des faits (agissements illicites constitutifs de manipulation de marché) pour lesquels une condamnation pénale définitive a été prononcée à l’encontre de la même personne ?
2) Le juge national peut-il appliquer directement les principes de l’Union concernant le principe « ne bis in idem » sur le fondement de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprété à la lumière de l’article 4 du protocole no 7 annexé à la CEDH, de la jurisprudence y afférente de la Cour européenne des droits de l’homme et de la règlementation nationale ?
Dans l'affaire n°C-596/16, la question préjudicielle est la suivante :
1) L’article 50 de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens que, dès lors qu’une décision définitive a constaté que les faits constitutifs de l’infraction pénale n’étaient pas établis, et sans qu’il soit besoin d’une nouvelle appréciation du juge national, aucune autre procédure visant à l’adoption de sanctions qui, par leur nature et leur gravité, doivent être qualifiées de sanctions pénales ne peut être ouverte ou poursuivie au titre des mêmes faits ?
2) Le juge national, dans le cadre de son appréciation du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions, aux fins de la constatation de la violation du principe ne bis in idem visé à l’article 50 de la [Charte], doit-il tenir compte des limites de peine qui ressortent de la directive [2014/57] ?